
Tous les acteurs du microcrédit sont mobilisés aux côtés de l'Initiative Nationale pour le développement Humain (INDH), ce programme "révolutionnaire", lancé par SM le Roi Mohammed VI pour réduire la fracture sociale, a souligné M. Tariq Sijilmassi, président de la Fédération Nationale des Associations de Microcrédit (FNAM).
L'INDH constitue "la grande chance" pour le développement du microcrédit, dont la finalité est d'aider les populations démunies et de favoriser les activités génératrices de revenu, a-t-il ajouté au cours d'un entretien avec la MAP.
Cette initiative, qualifiée par M. Sijilmassi de "première au niveau mondial", a certes une "composante étatique forte, mais il faut que la société civile s'y inscrive", a-t-il dit.
Pour le président de la FNAM et président du directoire du Crédit Agricole du Maroc, le microcrédit est justement une forme de "réponse de la société civile" et la profession doit se mobiliser aux côtés des autres intervenants pour "soutenir l'action" initiée dans le cadre de l'INDH.
Grâce à l'INDH, le microcrédit a trouvé "un champ de développement qui démultiplie son action. L'INDH c'est la grande chance du microcrédit à condition qu'on sache bien s'en servir et la servir".
Moins d'un an après avoir pris les rênes de la FNAM, M. Sijilmassi assure que cette fédération, après les dissensions du passé, est désormais "un lieu serein, paisible avec un seul objectif : focaliser toutes les énergies vers l'objectif noble d'aide aux populations défavorisées".
Les 13 associations membres actifs de la FNAM "sont toutes dans cet état d'esprit, sans exception", a-t-il affirmé.
En conséquence, il ne doit plus y avoir de "dissension, car nous ne sommes pas en train d'essayer de gagner de l'argent les uns sur le dos des autres, mais de travailler ensemble pour aider les populations démunies qui veulent s'en sortir, à trouver des ressources pour travailler et créer de la valeur et de l'emploi". Bref, "favoriser les activités génératrices de revenus" (AGR).
Au-delà de la philosophie qui préside désormais à l'action de sa Fédération, M. Sijilmassi a décliné les actions qui doivent être initiées pour palier aux faiblesses, rétablir l'éthique économique du "business plan" des associations du microcrédit et repartir à la reconquête de la force antérieure du secteur.
De l'euphorie à la recomposition
Diagnostic. En 2008, le microcrédit a drainé 1 million de clients actifs avec un encours global des crédits de 5,6 milliards de DHS.
Après les années d'euphorie (90-2000), le secteur du microcrédit est actuellement en période de "recomposition", relève le président de la FNAM qui ne veut pas entendre parler de crise, comme proclamé ici et là, sur la base du taux des impayés.
Le secteur a enregistré dans les années d'euphorie des taux d'impayés de l'ordre de 0,5% car l'effort de proximité était "important et la taille de la clientèle en croissance".
Depuis 2007, cet effort de proximité "ne joue plus autant" et le microcrédit cible les populations "les plus touchées par les aléas de la vie, économiques ou naturels" (sécheresse/inondations, désastres naturels). D'où "une détérioration du taux de remboursement" des créances, note M. Sijilmassi pour ajouter aussitôt que "c'est tout à fait naturel".
Pour lui, il n'y a, à travers le monde, "aucune activité avec un taux de recouvrement de l'ordre de 99,6%", et si "c'est le cas, cela veut dire que les associations de microcrédit ne prennent pas assez de risque et qu'elles ne remplissent pas assez leur fonction".
Il concède que "la performance va être moins importante" avec le passage vers un taux d'impayés qui va se stabiliser entre 2,3 à 4% en fonction de ceux qui sont en milieu urbain par rapport à ceux qui sont en milieu rural.
Du fait seulement des catastrophes naturelles et des cycles sécheresses/inondations qui sévissent au Maroc, le taux d'impayés de 3 à 4% est amplement justifié.
Mais "c'est viable car cela montre que les associations de microcrédit sont volontaristes et prennent des risques, celui qui a 0% d'impayés est celui qui ne fait rien", avance le président de la FNAM.
Dérapages psychologiques
Pour lui, le microcrédit a atteint "un palier. Les modes de fonctionnement des associations sont maintenant insuffisants par rapport à la taille prise par le secteur. De son côté, l'éthique économique sur laquelle se fondait leur business plan est en train de changer".
En cette période de recomposition, l'ambition de M. Sijilmassi est de monter en puissance pour atteindre les 2 ou 3 millions de clients, car cette population, "qui a besoin de nous, elle existe".
Mais les gardes-fous doivent être respectés. Contrairement à d'autres secteurs d'activité, le microcrédit n'est pas "un secteur concurrentiel et où le bénéfice est interdit". Les associations du microcrédit n'ont pas à chercher à "prendre des parts de marchés et à entrer dans une logique de concurrence".
"Le Maroc est grand et les besoins sont immenses, on doit se répartir les rôles et les espaces", plaide M. Sijilmassi en résumé de la philosophie de l'action qu'il mène à la tête de la FNAM qui demeure "la voix commune des associations" intervenant dans le domaine du microcrédit.
Autre axe d'intervention, l'action des associations doit être "juste parce que les ressources ne sont pas infinies et illimitées. Il est donc extrêmement important de viser juste et de ne pas se tromper".
Pour le président de la FNAM, il faudra également lutter contre "les dérapages psychologiques pour que les populations bénéficiaires sachent que le microcrédit est d'abord un crédit à rembourser et non pas un cadeau, ni une subvention".
Et M. Sijilmassi de marteler d'autres évidences dans le seul but de protéger ces populations et les associations à leur service: Le microcrédit est un "crédit destiné à financer des activités génératrices de revenus, il n'est pas destiné à se substituer à des crédits de consommation, il n'est pas non plus une aubaine pour celui qui veut se marier ou marier son fils".
Au-delà de la protection des associations contre ces dérives et pour pérenniser leur intervention, l'ambition du président de la FNAM est "d'élargir le champ d'action pour atteindre la micro-finance".
Passerelles:
Il appelle ainsi les associations à réfléchir "sérieusement aux passerelles entre le microcrédit et l'insertion dans la vie économique nationale", car pour lui, "la meilleure réussite d'un micro-entrepreneur, c'est de ne plus avoir besoin du microcrédit et de passer au crédit bancaire normal".
Les associations de microcrédit "ne doivent plus uniquement faire de la croissance au niveau de leur nombre de clients mais également améliorer l'étendue de leur produit, accompagner le client et le pousser à gravir les échelons". Bref, l'aider à "sortir de l'informel, de devenir acteur économique et non pas simple consommateur".
En attendant, il assure qu'il continuera à "mettre de l'ordre dans les associations" de micro crédit, à travailler avec l'ensemble de ce réseau pour la définition d'un "nouveau modèle économique" du microcrédit au Maroc et la préservation de "notre leadership africain et arabe" dans le domaine.
"Nous sommes les premiers. Il n'est pas question que nous ne restions pas à l'avant-garde, non pas pour être simplement les meilleurs, mais aussi pour garder cette exemplarité que le Maroc a dans l'action sociale. Aujourd'hui, le Maroc est un laboratoire à l'échelle d'un pays, d'une expérience extrêmement originelle d'une action sociale unique, qui n'a pas de similaire dans les pays comparables", a conclu M. Sijilmassi.
MAP